Angelina Guo
Bio d’Angelina Guo
Je m’appelle Angelina Guo, j’ai 18 ans, je suis née à Montréal et mes parents sont chinois. J’ai toujours nourri un intérêt marqué pour la littérature et le cinéma. Je suis présentement en train de réaliser mon deuxième court-métrage.
Démarche
Le texte présenté relate les émotions que j’ai ressenties au cours de mon passage au secondaire. J’ai toujours eu à confronter un sentiment inébranlable d’aliénation, que ce soit au niveau culturel ou social. J’ai voulu fuir mes origines et effacer mon visage tout en voulant désespérément me faire accepter par ma famille et mes camarades d’école. Le terme »résistance » évoque pour moi une image d’un fil tendu sur lequel je me vois vaciller. Au moment même où je me sens fléchir, je me souviens de mon vécu, de même de ce qu’il me reste à vivre, et je persiste à continuer. La résistance, pour moi, est synonyme de résilience. La plus grande peur du narrateur de ces écrits est de vivre une moitié de vie; de perdre sa voix dans la foule, et par ce fait même perdre son seul moyen d’exister. Je crois que cette crainte est commune à tous. Je crains que nous soyons tous soumis à la fuite du temps.
Texte sur la résistance:
Ma mère
Ma mère était prof de littérature à l’université
Mon père ingénieur, mais ça c’tait dans l’passé
De Pékin à Montréal
Leur pays natal leur est égal
Pourvu que leur fille puisse vivre à l’aise
Au pire, leur futur c’t’une hypothèse
Mon ami m’a dit qu’ici, le gouvernement est moins corrompu
Après tout, à l’aéroport, c’tait écrit bienvenue
On a la vie devant nous, à lui de crier,
Clignez des yeux, pis 20 ans sont passés
J’me souviens encore de ce jour au dépanneur
Un jour d’été, en pleine chaleur
Une femme aux dents jaunies, les yeux méfiants, l’air amaigri qui dit
John Player’s paquet d’vingt-cinq king size
John Player’s paquet d’vingt-cinq king size
JOHN PLAYER’S PAQUET D’VINGT-CINQ KING SIZE
Criss, parles-tu français?
T’aurais du rester dans ton pays, elle dit, en soufflant presque
comme si elle pouvait camoufler sa hargne en tendresse
J’me souviens encore de ce jour au dépanneur
Un jour d’été en pleine chaleur,
Une femme d’antan, les yeux flétris, l’air amaigri
Assise sur une chaise bon marché aux bords effilochés
Les pieds à terre, la tête en l’air
L’air de vouloir décoller
Vers une autre ère, tout pour s’enfuir de cette misère
Elle est là, devant moi, mais son coeur est ailleurs
Maman… ça va?
… Maman, ça va?
Elle regarde l’horloge, il est douze heures cinquante-sept
il est sept heures quarante-dix
Il est onze heures soixante-dix-neuf
C’est qu’le temps est long, à Hochelaga-Maisonneuve
Mama, it’s time to go home
L’affaire, c’est que son ‘go home’ est à 10 000 kilomètres de cette cage
Maman, wake up, y’en a plus, de décalage
Ta vie, est pas finie, alors ramasse tes larmes de jais
Avant que tu t’noies dans tes jadis, pis tes avant, si j’avais
Retourne au cimetière, va chercher tes anciens rêves
Si seulement j’pouvais y dire
D’une autre manière que dans des vers
Je voudrais m’terrer dans son épaule
Mais elle est déjà en altitude
Elle a la tête dans un bocal
Elle est rendue astronaute
Maman, emmène-moi, moi aussi, dans l’espace
Rejoindre ceux qui en ont pas voulu, du American Dream
Les nostalgiques, les rêveurs, ceux qui vivent à l’antérieur
Les chinois, les arabes, ceux qui croient plus, au Seigneur
Ange, qu’elle dit,
J’peux pas, qu’elle dit,
T’es américaine, souviens-toi
Là-haut, trust me, c’pas ton endroit
Pis au diable si t’aimes pas ça
Y en a qui tueraient pour ta place
Alors endure
pis arrête de faire ta garce
C’est que j’suis tannée, de vivre en serre
C’parce qu’ici, c’est l’enfer
J’ai le coeur en nénuphar mais le puits est desséché
Mes larmes sont de verre, pis tout c’que j’fais c’est pleurer
J’ai les joues ensanglantées mais tu veux pas qu’on y aille,
À l’hôpital
Tu veux pas qu’on y aille,
à l’hôpital
Maman, pourquoi tu vois pas comment j’ai mal?
Maman, j’veux juste une peau de porcelaine
Maman, j’en peux plus, d’cette criss de peine
Maman, j’ai pris treize pilules d’acétaminophène
Maman, pourquoi tu m’as faite canadienne?
Maman, j’suis désolée,
J’passe juste trop d’temps isolée
C’est qu’j’ai l’cul entre deux chaises,
Pis je sais plus comment agir
En chinoise ou québécoise,
En alien ou en humaine
Découvrez l’extrait du texte d’Angelina Guo au Parc des Faubourgs (coin Ontario et de Lorimier).
Cette oeuvre littéraire fait partie de la 3e édition d’Une vitrine sur les faubourgs: Exposition Résistance.
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