_______,Un quartier en définitions

Vernissage de l'exposition collective

"_______, Un quartier en définitions"

ce jeudi 15 septembre, de 17h à 19h

Par le biais du projet d’expositions « Une vitrine sur les faubourgs », actif depuis 2012, Voies culturelles des faubourgs met en valeur les lieux et les acteur·rice·s qui font notre culture auprès des citoyen·ne·s de l’Est de Ville-Marie. À travers trois expositions successives, le projet a suivi une même ligne directrice : présenter le dynamisme et l’effervescence d’un territoire riche en culture et en créativité. Parallèlement, le tronçon de la rue Ontario Est — point névralgique de ce territoire — est également en transformation active. En effet, un projet de quartier culturel est en déploiement, avec pour objectif de renforcer les liens entre les citoyen·ne·s et la culture de proximité.

L’EXPOSITION « ______ , UN QUARTIER EN DÉFINITIONS » PROPOSE D’ABORDER DIRECTEMENT LA QUESTION DE L’IDENTITÉ ET DE L’ATTACHEMENT AU TERRITOIRE.

Ce territoire, parfois appelé le Centre-Sud ou les Faubourgs, couvre la moitié est de Ville-Marie. De ses origines autochtones jusqu’à nos jours, en passant par la création de la brasserie Molson, la destruction du Faubourg à m’lasse ou l’implantation de l’UQAM, ce territoire a subi de nombreuses transformations, tant physiques que sociales et dont les traces marquent le paysage contemporain.

La partie soulignée du titre suggère un espace à combler, une place à prendre pour les artistes dans ce dialogue citoyen autour de l’avenir de notre quartier. Ce souligné agit également comme un trait d’union grand format, faisant le lien entre différents secteurs et pôles artistiques du territoire, avec pour point d’ancrage, le parc des Faubourgs. Un quartier en définitions annonce, quant à lui, la volonté de créer des ponts, d’ouvrir des espaces de dialogue entre les citoyen·ne·s et les créateur·rice·s. Cette exposition souhaite donner la parole aux artistes, pour qu’ils·elles s’expriment sur ce territoire habité et fréquenté, en abordant les questions suivantes :

• Comment le territoire est-il perçu par les créateur·trice·s ?

• Comment cet espace enrichit-il notre perception de la culture ?

• Comment ce territoire contribue-t-il à notre participation, individuelle et collective, à la culture locale ?

 

Membre du comité du sélection : 
Michelle Lacombe, 
Laurie Pabion, Patrice Loubier, Adrien Guillet, Martin Vinette

Découvrez les artistes de l'exposition !

01 - Sandra Tannous

C’est dans le contexte d’abandon de l’église Saint-Eusèbe-de-Verceil, principal repère visuel du quartier Sainte-Marie, que j’ai mis en scène cette installation engagée. Depuis plusieurs d’années, j’ai appris à connaître la fragilité de certains lieux silencieux, dont la vocation ou le contexte environnant sont en processus de transformation, d’abandon ou encore, dans un processus de destruction latente. Ce travail a été réalisé dans le contexte d’une recherche en art contextuel. J’ai cherché à habiter ce lieu par un marquage du territoire, une installation qui révèle sa nature et son histoire, qui peu à peu, avec le temps, tend à disparaître. Je propose une exploration inusitée de la manche à air (un dispositif qui indique la direction du vent, mais aussi une estimation de sa vitesse), en m’efforçant d’en dégager la symbolique reliée à des questions identitaires du territoire.

Photographie numérique / © Photographie de l’artiste

Mon travail sculptural et installatif provient de plusieurs interrogations sur les besoins et l’environnement de l’être humain. Il vise à comprendre comment, et avec quoi, il aménage son espace ; et quelle signification on peut tirer de ce qu’il fabrique. L’ensemble de ma démarche est intimement lié à ma manière de concevoir des projets en relation avec divers aspects du territoire : points de vue (l’endroit d’où l’on regarde), histoire, éléments (signifiants, structurants, identitaires). Je change souvent de matériau et d’échelle, ce qui confère à chaque projet une esthétique unique. Depuis 2008, je suis particulièrement sensible aux problématiques de la ville, à la relation que l’être humain établit avec son environnement, et je tente de créer une harmonie entre l’espace de présentation, l’espace urbain, l’espace naturel et l’homme. Ma démarche artistique passe de la galerie à l’extérieur et vice versa. Mes intérêts s’expriment par la sculpture et la photo et, depuis plusieurs années par l’art paysager, que je conçois comme une pratique hybride, où des notions de design d’environnement sont intégrées dans ma pratique de l’installation afin de servir la réflexion sur les lieux d’accueil de l’œuvre. Utilisant des formes architecturales typiques, mes installations extérieures répondent aux patrimoines architecturaux, paysagers et historiques des sites donnés, tissant ainsi un récit cohérent entre les divers éléments du lieu. Concernant la sculpture, mes références proviennent souvent de contextes relatifs à l’architecture urbaine, industrielle et rurale, dont je tire des formes épurées et sérielles typiques (ponts, quais, châteaux d’eau). Le résultat est un travail oscillant entre le statut symbolique de l’objet, son degré d’abstraction, son polymorphisme et sa polysémie permettant un jeu d’association universelle. 

www.sandratannous.com

02 - Joceline Chabot

À mon arrivée à Montréal en 1970, je m’y suis installée involontairement. C’était un quartier populaire, sans arbre, sans charme particulier et souvent méprisé par les dirigeants qui n’y voyaient qu’une pauvreté à éradiquer : on venait d’en raser une partie pour construire la tour de Radio-Canada. Je m’en suis évadée pour plus de verdure et de fraîcheur. Depuis 2020, m’y voici installée à demeure. L’arbre et le pont… Les réseaux organiques de la canopée de l’arbre et ceux construits de la structure du pont créent une synergie salvatrice. L’arbre tortueux du parc des Royaux qui est en fin de vie (une ligne orange tracée sur son tronc en fait l’annonce) me rappelle aux besoins criants de ses habitants : la présence d’arbres/poumons. Le pont, à la fois phare et vaisseau, reste le pilier de ce quartier pour lequel j’ai un rapport ambigu mais affectueux. 

Photographie (montage) / © Photographie de l’artiste

Mon travail s’organise autour de réfections sur la complexité des comportements des humains, de leurs croyances et des constructions réelles et imaginaires qui les rassurent. Soucieuse de faire correspondre le contenu, la forme, le processus et les matériaux, je le conçois comme une interface qui me permet de provoquer des échanges et ainsi amender ma (notre?) compréhension du monde. Espaces limitrophes (sur les fenêtres, dans et entre les murs) et espaces publics ont servi de lieux d’interventions où l’écriture, le dessin, les objets et la lumière ont, tour à tour ou simultanément, joué des rôles prépondérants. Puisqu’elles ont souvent été liées aux lieux, plusieurs de mes interventions ont été ou sont éphémères. Cette fin programmée corrobore le caractère instable et conjoncturel des discours justifiant nos errements tant individuels que collectifs. Depuis 2004, des actions furtives m’ont permis d’aborder différemment certains aspects de mon travail, en autre, la diffusion de celui-ci. 

www.jocelinechabot.com

03 - Ileana Hernandez Camacho

Cette œuvre a été créée à partir d’une photo record d’une performance devant chez moi à la Coop Lézarts. Dans cette action, j’ai tracé l’extérieur de mon appartement pour capturer l’environnement sur papier, puis je me suis enveloppé de ce papier pour transformer mon corps et l’intégrer à mon environnement.

Collage / © Photographie de l’artiste

Ma pratique émergente explore les thèmes de la nature, de la féminité, ainsi que le caractère vulnérable et fragile du vivant. Accordant une place importante aux notions de rétroaction et de collaboration, mes créations mettent en évidence l’importance des liens de réciprocité entre le vivant et l’artificiel pour souligner le potentiel d’évocation de chacun. Le camouflage est la fondation de mes recherches artistiques. Je m’intéresse au camouflage comme survie. Il me permet d’analyser des dynamiques d’interaction, des enjeux du pouvoir dans la société, des normes sociales et la sensibilité de l’humanité envers l’environnement. Par la performance, la photographie, la vidéo, la peinture et le son, je crée des images surréalistes qui interrogent notre relation avec l’environnement et le concept même d’humanité, ou d’espèce humaine. Je construis des personnages fictifs pour incarner et réfléchir à différents types d’interactions humaines. J’invente des environnements où ces personnages habitent et se développent.

ileanahernandezc.tumblr.com

04 - Atelier des lettres

Ce poème est le résultat d’un atelier de poésie découlant d’une consultation sur l’avenir du quartier avec la CDC Centre-Sud dans le cadre de la planification stratégique de la Table de développement social. Ils représentent la vision du quartier Centre-Sud des personnes participantes, qui fréquentent le quartier et/ou qui l’habitent. Il est l’expression de ce que ces personnes qui apprennent à lire et à écrire à l’âge adulte pensent de ce quartier central à leur vie. 

Mots sur cartons / © Photographie de Noémie Pomerleau-Cloutier, Atelier des lettres

Les personnes en processus d’alphabétisation au sein de l’organisme l’Atelier des lettres font de la poésie en groupe depuis 2014 dans des ateliers avec la formatrice et poète Noémie Pomerleau-Cloutier. La poésie est un moyen pour ces personnes de s’exprimer, de développer leurs capacités en lecture et en écriture, d’améliorer leur estime de soi, de défendre leurs droits et de sensibiliser la société à leur vécu. Leur poésie est authentique, sensible et forte.

www.atelierdeslettres.alphabetisation.ca

05 - VahMirè - Ludmila Steckelberg Spencer

Dé[faroucher] est un projet évolutif en arts numériques dont l’intention est la conception d’une cartographie subjective en trois dimensions de lieux d’appartenance à Tiohtià:ke/ Montréal. Le projet se veut un exercice exploratoire de mise en relation entre le Soi – étrangère, étranger; émigrante, émigrant – et l’Autre – dans ce cas, les lieux d’adoption, ses paysages, son architecture. L’œuvre que je vous propose ici est une capture d’écran d’un modèle 3D obtenu à travers de la numérisation par photogrammétrie de l’agora du Pavillon Judith-Jasmin à l’UQAM. Je considère cet endroit comme une zone d’appartenance, à cause du fait que pendant la poursuite du programme de maîtrise, j’ai pu y expérimenter pour une des premières fois à la ville, la sensation d’une véritable intégration à une communauté culturellement plus diverse. 

Art numérique, 70 x 36 po / © Photographie de l’artiste

VahMirè (LudmilaSteckelberg) est une artiste multidisciplinaire brésilienne installée àTiohtià:ke / Montréal depuis 2009. Elle cumule maintenant dix-sept ans decarrière. L’artiste détient un baccalauréat en arts visuels (UFG – Brésil, 2004), une maîtrise en muséologie (UdeM, 2013) et une maîtrise en arts visuelset médiatiques (UQAM, 2021). Elle a participé à plusieurs expositions enEurope, au Canada, en Chine et à son pays d’origine depuis 2005. Elle faitégalement partie de collections de particuliers et de musées dont la prestigieusecollection privée de Fernando Bueno et celle du musée d’Art moderne du Rio deJaneiro au Brésil. L’artiste participe en ce moment à plusieurs projetsd’expositions collectives notamment avec la Fondation PHI, le collectifbrésilien Koletivos_ Avulsos et l’organisme LatinArte. VahMirè se concentreprincipalement sur les médiums de la photographie, de l’installation et de lavidéo performance. En tirant profit d’une esthétique entre naturelle etsurnaturelle, son œuvre discute le glissement entre la présence et l’absence.Son œuvre traite encore des flous et des transformations identitaires causéespar les revirements de contexte géographique. À présent, VahMirè se concentrenotamment sur de médiums en arts numériques comme la photogrammétrie, la réalisationde modèles 3D et la vidéo d’animation 3D. Elle développe dans son œuvre desconcepts liés au contact et la relation avec la ville, plus spécifiquement lesquestions d’appartenance de personnes immigrées à Tiohtià:ke/Montréal.

www.vahmire.com

06 - Antoine Gautier

Des formes et symboles du quotidien. Du temps qui passe jusqu’au temps qu’il fait. Un désordre lorsqu’on s’accroche aux détails. Une cohérence identitaire vue dans son ensemble. C’est à l’image de mon quartier que la pluralité des formes vient créer un tout unifié lorsqu’on regarde avec recul. 

Art numérique / © Photographie de TØ

Mon style polymorphe se caractérise par la juxtaposition d’éléments graphiques inspirés du street art et de la bande dessinée. Lignes denses, contours définis, couleurs texturées ou en aplats, supports fibreux, cartonnés ou recyclés. Mes illustrations visent un certain contraste et une composition approfondie par un soin accordé aux détails. Je propose également une double lecture, alliant l’allégorie à une harmonie qui se veut conviviale au regard extérieur. Mon esthétique, figurativeet ludique, met à disposition des réalités à la fois alternatives etfamilières, associe tantôt des idées ou des symboles visant à créer, dans son ensemble, une poésie visuelle apte à susciter la réflexion. Présentement, ma démarche explore la métaphore où s’entrecroisent fiction et vie courante, avec une part d’humour et d’enfance qui saurait fusionner avec un sérieux pris avec légèreté (et inversement). Nos interactions avec l’environnement, les relations humaines, les objets qui façonnent notre quotidien, sont autant de sources d’inspiration pour ma racle et mon coup de crayon.

www.t0-art.square.site

07 - Octavio Rüest

La série « Trace » a commencé en mars 2020 lors du 1er confinement sous forme d’interventions dans le domaine public situées principalement dans le centre de l’Est de Montréal sur des commerces et lieux laissés pour compte. Tel un jeu qui nous pousse à regarder la ville autrement, ces interventions questionnent les transformations de l’espace public. Mon oeuvre se trouve quelque part dans les Faubourgs à la limite du Quartier des spectacles et du Plateau. Le lieu de cette intervention est à la croisée de quartiers très différents et fait office de repère face aux changements qui s’accélèrent aujourd’hui dans notre ville. Cette masse couchée et disposée sur un bloc de béton est une référence historique au quartier anciennement baptisé le Faubourg à m’lasse et à sa population principalement ouvrière. Il s’agit d’une invitation à se réapproprier l’espace de façon créative.

Photographie d’intervention à l’acrylique et encre sur béton, 8 x 14 po
© Photographie de l’artiste

Artiste plasticien autodidacte né à Montpellier (France) en 1987, Octavio Rüest vit et travaille à Montréal depuis 2003. Sa formation allie près de vingt ans de pratique constante du dessin et peinture murale à l’apprentissage de la peinture décorative auprès d’un maître de l’école flamande Van Der Kelen. Il présente son travail sous forme d’estampes, livres d’artiste et continue d’intervenir dans l’espace public. Ses dessins sont aussi publiés dans la revue Liberté. Son travail questionne la condition humaine et environnementale. C’est par le dessin au trait à la façon d’une gravure qu’il révèle la charge émotionnelle de ses sujets. Sa technique lente et répétitive s’oppose au besoin de productivité effrénée de ses contemporains. Au quotidien, il réalise photos et croquis d’instants volés aux passants. Une fois remaniées, ces images créent une narration nouvelle empreinte d’une symbolique qui souligne les limites de la perception et de la mémoire.

www.octavioruest.com

08 - Steve Giasson

La PERFORMANCE INVISIBLE N° 123 (RÉPANDRE DE LA MÉLASSE DANS LA RUE) s’inspire de gestes poétiques qu’ont posé certains artistes, comme Francis Alÿs et Mladen Stilinović, qui, avec de la peinture et de la craie, ont tracé des lignes à travers Paris, Jérusalem et Belgrade, comme s’ils cherchaient à inventer de nouvelles frontières ou à en rappeler d’anciennes… Pour ma part, j’ai utilisé de la mélasse, pour redessiner celles du Centre-Sud, qui comprenaient jadis le Faubourg à m’lasse, laissant derrière moi une trace provisoire… D’après Francis Alÿs. The leak. Paris, 2002. D’après Francis Alÿs. The green line. Jérusalem, 2004.

D’après Mladen Stilinović. Drew a line in chalk starting with the walls and houses on the street, through the student culture centre and in the gallery skc and then the other way round, Belgrade, 1980. D’après Edward Ruscha. Stains. 1969.
Performeur : Steve Giasson / © Photographie de Daniel Roy. Montréal, 8 juin 2016

Steve Giasson est un artiste conceptuel et docteur en Études et pratiques des arts de l’Université du Québec à Montréal. Sa pratique engagée et pince-sans-rire s’appuie sur des œuvres préexistantes ou des fragments historiques ou quotidiens, qu’il s’approprie de différentes façons, afin de mettre à mal les notions romantiques d’authenticité et d’originalité et de démystifier le processus créateur et la figure de l’artiste. Ses œuvres se caractérisent, de plus, par une grande économie de moyens et par leur recours à différents médiums (art performance, photographie, vidéo, micro-intervention sculpturale, écriture conceptuelle…) Son travail a été présenté dans quatorze pays d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie, dans le cadre d’une douzaine d’expositions personnelles et de nombreuses expositions collectives. Il vit et travaille à Montréal et est représenté par la Edmund Felson Gallery (Berlin).

www.stevegiasson.com

09 - Carolina Hernandez-Hernandez

Mon image s’inspire du paradoxe entre la beauté pérenne des êtres vivants et leur situation transitoire sur la planète. Elle s’inscrit donc dans l’éphémère, la fragilité de la vie et son évolution. Il s’agit pour moi d’exalter les rapports entre l’homme et l’animal qui s’unissent à la fois dans une complicité naturelle et dans une interdépendance fragile et menacée. De même que «l’effet papillon» dont un seul battement d’ailes peut avoir des répercussions dramatiques chez un autre être vivant. Partant de ce principe, je dénonce ici les caractéristiques égocentriques de l’homme pour ensuite en saisir sa faiblesse et sa vulnérabilité. En mettant en scène le chaos, la surexploitation, le réchauffement de la planète et la perte des habitats, je prétends donner un sens à ma quête créative. Dont, les abeilles représentent les interconnexions entre le micro et macro cosmos.
Le passage transitoire des êtres sur terre, leur moment présent, leur influence sur d’autres êtres et la constante transformation des choses sont autant d’éléments qui me permettent de saisir l’impact des bouleversements intérieurs et extérieurs des êtres vivants face aux changements visibles de la terre. Cette perspective de prime abord « écologique » de ma démarche créative s’accompagne d’une dimension engagée et émotionnelle. C’est en effet sur le rapport entre toutes les choses et leurs différentes répercussions sur la Terre que s’inscrit l’ensemble de mon travail.

Huile sur toile, 40 x 48 po / © Photographie de l’artiste

Résidente depuis 15 ans, de la Coopérative Lézarts et de la Grover, je vis et crée dans la diversité culturelle et artistique du quartier des Faubourgs. En tant qu’immigrante, pouvoir compter avec un espace de création dans Ville-Marie a été un aspect clé dans mon processus de reconstruction identitaire et le développement de ma carrière artistique. Ma rue Parthenais, un endroit synergique, où aboutit l’emblématique pont Jacques-Cartier. Dans cette peinture, je revendique une spontanéité irrationnelle en juxtaposant réalisme et surréalisme. Je mets en place un contexte artificiel en effaçant les contradictions apparentes : le kitsch devient beau et nos critères esthétiques sont remis en question. Il s’agit pour moi de remettre en cause de façon provocatrice, les multiples contradictions de la nature humaine tout en mélangeant les médiums des arts visuels et en unissant les codes visuels picturaux et non picturaux dans différents contextes.

10 - Nicole Panneton

Cette œuvre est la juxtaposition de deux images captées dans le quartier Centre-Sud en avril 2020 au tout début de la pandémie Covid, en temps de confinement. Une où il est inscrit : « Souriez vous êtes filmés » et une autre où le sexe d’un mannequin masculin est couvert. Loin d’une image pittoresque, c’est un espace intime que je livre au spectateur. L’image présentée a pour intention d’actualiser des moments de solitude où le désir d’interaction était sous-jacent. Mais c’est aussi une manière métaphorique de dire non à la ligne droite puisque ma vision du quartier Centre-Sud en est une où tout est possible. En plein confinement, j’ai décidé malgré les consignes d’aller à mon atelier situé sur Sainte-Catherine au coin Bourbonnière. J’étais dans un état de présence authentique et réalisais chaque matin et chaque soir un parcours aléatoire. Mes pas m’ont portée très souvent vers le quartier Centre-Sud, en empruntant les grandes artères, les petites rues ou les ruelles.

Œuvre photographique / © Photographie de l’artiste

Une intention de création où faire sens prend son essence dans les fondements de mon être pour laisser surgir l’intime. L’œuvre me révèle et me dévoile à l’autre et elle est empreinte de ce qui m’habitait au moment de sa réalisation. Je sonde les profondeurs, à la rencontre de l’inconnue que je suis. La collecte et l’aléatoire sont au cœur de ma pratique. Bricoler, butiner, accumuler, ponctuer le temps et dériver, ancrages et diverses manières de faire, demeurent une constance tant dans ma vie qu’en création. C’est enfin une pratique indisciplinée, vivante, malléable et mouvante. Je fais référence à une manière de vivre, de partager et de penser l’art au quotidien. Comme le mode performatif est présent dans ma pratique reliée aux objets et aux actions, je porte attention à la transformation qui s’opère à chaque instant. Ce qui m’habite me porte à créer dans l’être ici maintenant en toute liberté, glissant d’une pratique à l’autre sans m’identifier à une discipline en particulier. Ainsi, performance, dessin, photographie et vidéo, arts textiles et écriture se rejoignent et s’enchevêtrent avec fluidité. À partir d’une position féministe, faire sens à la recherche de ma singularité par la présence de la beauté et de la poésie. Par la création, je passe d’un espace temps à l’autre, tisse des liens, laisse des traces et fais et passe la mémoire. Non à la ligne droite, c’est ainsi que je m’affirme en tant qu’artiste.

www.nicolepanneton.com

11 - Claudette Lemay

J’habite le quartier Centre-Sud depuis 20 ans. J’y vis et y travaille comme artiste en arts visuels et médiatiques et le parcours quotidiennement à la marche et à vélo. Il y a quelques années, j’ai réalisé une série de photos d’arbres dans les rues de mon quartier que j’ai intitulée « Chicanes de clôture ». J’étais fascinée par tous ces arbres qui poussent envers et contre tous. Je constatais leur résilience et leur résistance. Je me suis mise à les observer de plus près. De plus en plus, je rencontrais des spécimens dans des postures insolites. Dans mes rêves les plus fous, mes images occuperaient plusieurs panneaux du parc des Faubourgs. Mais puisqu’il faut choisir, je vous propose une photo prise sur la rue Gauthier. Elle symbolise tout mon attachement au quartier et celui de la personne qui a laissé ce vestige de clôture rouge soudé à l’arbre mature. Les liens se resserrent imperceptiblement. Personne ne sait ce qui adviendra.

Photographie numérique / © Photographie de l’artiste

Depuis plus de 20 ans, je développe un corpus d’œuvres vidéographiques, sonores et photographiques dans lesquelles je propose des explorations poétiques de la nature et du paysage, qu’il soit rural ou urbain. J’explore le lien qui existe entre le corps et le lieu qu’il traverse, et la résonance de l’un sur l’autre, souvent dans des situations de mobilité ou de voyage. Le carnet, le dessin et la poésie portent aussi les traces de mes expérimentations. Je réfléchis également aux procédés de construction des images avec différents dispositifs de prise de vue : des cages d’ascenseurs vitrés (Ascenseurs avec vue), un hélicoptère (Panorama aérien) ou le sténopé en photographie (Midi à midi, un jour sans nuit). Ces dispositifs permettent de varier les points de vue et de juxtaposer différents espaces sans avoir recours au montage. Par ailleurs, ma pratique aborde aussi le thème du langage, de la voix et de la traduction. J’observe les écarts, les glissements de sens et la part d’invention que comporte toute activité de traduction. Je poursuis actuellement une recherche en audiodescription (habituellement destinée aux personnes non-voyantes) que je détourne à des fins artistiques et expérimentales. Je réfléchis à la notion d’accessibilité des arts pour les personnes vivant avec un handicap visuel.

www.claudettelemay.com

12 - karen elaine spencer

Dans « Movin‘ the charter – Faire progresser », Karen Elaine Spencer dissémine dans l’espace public des extraits de la Charte des droits et libertés du Québec (Chapitre IV, Article 43), qu’elle a retranscrit sur de grands panneaux de bois. En invitant des groupes de participant·e·s choisis à sélectionner des passages de la Charte qui résonnent particulièrement pour eux/elles, l’artiste s’approprie ensuite ces extraits afin de réaliser des écriteaux aux formats imposants, dont elle fera ensuite don à l’équipe de participant·e·s. Il y aura dans cette transaction un transfert de propriété, ainsi que des responsabilités qui y sont assignées. En contrepartie, les membres de l’équipe s’engagent à révéler au grand public le fragment de texte préparé par l’artiste lors d’une intervention urbaine concertée, puis ils pourront en disposer comme bon leur semblera, devant à la fois assumer le poids et la responsabilité de cet objet créé par l’artiste, au caractère fort porteur mais également encombrant par sa taille et sa matérialité.

Performé par l’équipe : Claudine Hubert, Charlotte Panaccio-Letendre, Pascal Desjardins et Jean-Michel Ross © Photographie de Christian Bujold

Ma pratique artistique commence souvent par une écoute de l’impulsion, le « quelque chose qui provoque quelque chose », le ce qui nous appelle vers ce que nous « faisons ». Ma démarche privilégie une subjectivité tranquille qui rencontre un territoire matériel et immatériel extérieur. Cette intersection de ce que je considère comme mon monde subjectif intime (hautement suspect) et de la myriade de conditions et d’expériences que je rencontre en tant que corps naviguant dans l’espace est le point de départ d’une méthodologie principalement intéressée par le performatif et prenant pour forme le texte, la parole, les signes. Je m’engage dans une pratique traditionnelle en studio qui se déplace dans l’arène publique et une pratique performative publique qui se déplace dans le studio. Souvent, ces interventions dans l’espace « public » sont des gestes ritualisés subtils qui perturbent imperceptiblement un code de conduite donné. Le ou les corps explicites ou implicites déterminent, dans une certaine mesure, comment l’œuvre est appréhendée, tout comme l’histoire du lieu donné et le moment historique. Le temps, en tant qu’élément matériel, est considéré en termes de durée de l’intervention, mais aussi en termes d’écarts ou de ruptures dans la dispersion de l’œuvre pour la présentation. Il y a souvent une « mise de côté » ou une accumulation très lente, ce qui permet un tri à long terme.

www.likewritingwithwater.wordpress.com