Hélène Langevin – Directrice artistique de Bouge de là

Hélène Langevin – Directrice artistique de Bouge de là

Crédit photo: Amélie Gauthier

Hélène Langevin, directrice artistique et fondatrice de la compagnie de danse Bouge de là, ne tenait pas en place quand elle était jeune. Elle s’est adonnée à bien des activités sportives avant de se tourner vers la danse qui lui a permis de dépenser ce trop-plein d’énergie, mais surtout de s’exprimer. Cette liberté et cette créativité dans le mouvement, elle les insuffle depuis plus de vingt ans aux enfants, un peu partout dans la province, à travers la compagnie qu’elle a créée en 2000, Bouge de là. Je l’attrape alors qu’elle en pleine période de création de son prochain spectacle. Rencontre avec cette femme passionnée de son métier…

Une première rencontre avec la danse

C’est lors de ses études collégiales à Trois-Rivières qu’Hélène Langevin a son premier contact avec la danse, alors qu’elle s’inscrit au cours de la chorégraphe Francine Brunet… Il n’en fallait pas plus pour qu’elle attrape la piqûre! Dès lors, elle obtient assez rapidement des premiers rôles dans les productions locales. Après son cégep, elle prend deux années sabbatiques pour se consacrer entièrement à la danse, particulièrement la danse contact improvisée qu’elle finit même par enseigner. Cette progression rapide dans le milieu de la danse trifluvien, lui fait envisager d’autres horizons, et elle a tôt fait de débarquer à Montréal où elle s’inscrit au programme d’enseignement primaire, elle va y rester deux jours… «En arrivant, Je ne savais même pas qu’il existait un baccalauréat en danse! J’avais manqué les auditions, mais qu’à cela ne tienne, j’ai pris rendez-vous avec la directrice du programme et je lui ai dit que j’avais besoin de bouger pour vivre, je lui ai improvisé quelque chose et elle m’a acceptée ». Comme elle craignait le peu de débouchés de ce cursus, Hélène choisit plutôt de se diriger en enseignement de la danse. En 1981, un cours de danse créative aux États-Unis lui laisse entrevoir la grande liberté dont font preuve les enfants lorsqu’ils dansent et c’est ainsi qu’elle décide de se consacrer à cette clientèle. Parallèlement à ses études, elle donne donc des ateliers de danse créative aux tout-petits dans les garderies et maternelles.

Après son baccalauréat en 1988, elle cofonde la compagnie Brouhaha danse, un collectif avant-gardiste de quatre chorégraphes qui abordent à travers une pratique interdisciplinaire des sujets décapants, tels que la violence faite aux femmes et l’intolérance. Ces performances destinées aux adultes intégraient bien sûr la danse, mais aussi la vidéo, le théâtre, les arts visuels. Cette folle aventure a duré un peu plus de 10 ans, pendant lesquels, elles se sont produites à Montréal, au CNA et à Dresden en Allemagne.

Retour aux sources

En 2000, Hélène Langevin crée la compagnie de danse Bouge de là, destinée à un jeune public : «Les enfants ont toujours été un fil conducteur pour moi, déjà dans Brouhaha, j’avais l’approche la plus ludique. À l’époque, il y avait aussi un certain engouement pour le jeune public, car les bailleurs de fonds demandaient aux chorégraphes connus de faire des pièces leur étant destinées, l’idée étant de les initier tôt à la danse contemporaine pour en faire un public en devenir. Souvent ce qui arrivait, c’est que les pièces adultes étaient simplement diffusées telles quelles dans un réseau jeune public, ce qui ne suscitait pas toujours l’intérêt de ce groupe d’âge». Bref…Ne devient pas chorégraphe jeune public qui veut et Hélène Langevin l’a bien compris, car à long terme, elle s’est dédiée à cette clientèle et a toujours pris soin de bien cerner ses propositions artistiques en regard des spécificités de son public cible. Aujourd’hui, Bouge de là est l’une des rares compagnies de danse à se consacrer exclusivement au jeune public au Québec!

La compagnie est très présente partout au Canada et ses spectacles ont même voyagé jusqu’en Chine et au Mexique. Chaque œuvre est également le prétexte pour développer et offrir des ateliers de danse créative qui sont très appréciés dans les écoles! «Les enfants ont juste envie de se faire donner la permission de bouger. Le modèle scolaire actuel ne leur donne pas beaucoup l’occasion de dépenser leur énergie et même le sport reste très encadré, alors tout ce qu’ils veulent, c’est la liberté de bouger et de s’exprimer par le mouvement!» En 2020, son spectacle 26 lettres à danser (2016) — premier spectacle jeunesse à avoir fait l’objet d’une captation télévisuelle par la Société Radio-Canada — est diffusé sur les ondes de la société d’État et est rendu disponible sur la plateforme numérique TOU.TV. C’est d’ailleurs ce spectacle qui a inspiré la chorégraphe à créer, en 2017, 26 cartes à danser, un jeu de société artistique et pédagogique qui propose 26 activités pour faire danser les enfants! La combinaison du spectacle encore disponible sur tou.tv, du jeu et des ateliers qui en découlent ont par ailleurs été une bouée de sauvetage de la pandémie pour Bouge de là, permettant de poursuivre sa mission et d’offrir aux enfants un contact heureux avec la danse! Hélène Langevin a également récemment proposé Kaléidoscope, un spectacle-atelier qui propose d’amener la danse dans la cour de récréation des écoles primaires! Il sera présenté dans de nombreuses cours d’écoles du grand Montréal dès le mois d’avril! Un spectacle très attendu par les interprètes de la compagnie qui ont très hâte de recommencer à danser. En effet, plus d’une centaine de représentations ont dû être reportées pour le spectacle À travers mes yeux, créé en 2018, et qui venait tout juste de remporter le Prix du CALQ de la Meilleure œuvre chorégraphique 2018-2019 au Québec, à l’occasion des Prix de la danse de Montréal 2019.

Kaléidoscope – Crédit photo: Maxime Lehmann

Si la pandémie lui offre un peu de répit, l’année 2021 devrait s’annoncer fort chargée pour Bouge de là, qui se produira d’octobre en mai sans relâche, partout au Québec et dans le réseau des maisons de la culture. Hélène Langevin profite toutefois de cette période d’arrêt pour créer le prochain spectacle intitulé Étrange. Elle termine d’ailleurs une résidence à la Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord, qui lui a permis d’explorer la scénographie, la lumière et le rayon laser en compagnie de ses interprètes et collaborateurs chevronnés. «Je suis très choyée de bénéficier de résidence de création d’une manière récurrente à la Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord. Cela nous permet de raffiner le spectacle et d’en présenter une version très aboutie. Créer, c’est la partie de mon travail que j’aime le plus au monde!».

La danse contemporaine d’hier à aujourd’hui

La danse contemporaine a fait un bon bout de chemin depuis les années 90, où les compagnies étaient plus connues à l’étranger qu’ici. Les salles qui étaient plutôt vides, en région comme à Montréal, se sont peu à peu remplies. Sans compter les concours de danse qui pullulent en ce moment à la télévision et qui gagnent de plus en plus d’adeptes à la discipline. «Les enfants sortent peu à peu des carcans de genre, nous les aidons bien sûr! Les filles qui avaient tendance à reproduire des mouvements de ballet s’ouvrent graduellement à d’autres types de gestuelles et les garçons quant à eux ne considèrent plus la danse comme une discipline féminine». En somme, Bouge de là, à travers son approche ludique, favorise l’éclosion d’un public plus initié et contribue au rayonnement de la danse au Québec, et ce depuis plus de 20 ans!

Texte de Claudine Khelil